Gente de bien est un film réalisé en 2014 par le réalisateur colombien Franco Lelli.
Il a reçu 5 nominations en particulier en 2015 la caméra d’or au festival de Cannes.
Le titre a une double connotation en espagnol : "Gente de bién" peut faire référence aux « gens biens », mais aussi aux personnes fortunées.
Ce film raconte la difficile rencontre entre un fils et son père. Eric est un petit garçon de dix ans qui vit dans un quartier populaire sur les hauteurs de Bogotá. La maman doit partir travailler à l’étranger et le laisse avec sa chienne au père qu’il connaît peu... Je vous laisse, bien sûr, découvrir la suite...
Cette histoire se passe en Colombie et, sur ce point, il faut s’arrêter un peu. Vous allez le voir, la société colombienne est marquée par des inégalités sociales très fortes. Les différents groupes sociaux sont radicalement séparées – établissements scolaires, quartiers, espaces de loisirs... cela vient de l’Histoire, bien sûr, les Indiens sont toujours peu considérés par rapport aux Blancs.
Mais, un déclassement social est visible depuis quelques années. La situation socio-économique des individus par rapport à celle de leurs parents se détériore et cela concerne aussi bien la classe bourgeoise que la classe moyenne. Vous trouverez tout cela dans le film.
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Une histoire entre deux cultures
Le parcours de ce jeune cinéaste de 35 ans en n’est pas sans importance pour comprendre le film.
Né en 1983 en Colombie, Franco Lolli fait toute sa scolarité au Lycée français de Bogotá où, dès l’âge de quatre ans, il apprend à lire et à écrire en parallèle l’espagnol
et le français. Après le baccalauréat, son désir de faire des études de cinéma l’amène
tout naturellement à s’installer en France. À 18 ans, il quitte ainsi la Colombie pour l’Université Paul Valéry de Montpellier où il passe deux ans. La solitude marque douloureusement cette première expérience de migration pour le cinéaste en gestation qui se dit, avec une certaine détermination, que le séjour ne durera que le temps de « devenir quelqu’un ». Il s’inscrit ensuite à l’Université Sorbonne Nouvelle et passe, sans se faire trop d’illusions, le concours d’entrée de la prestigieuse Fémis.(école nationale supérieure des métiers de l’image et du son, est un établissement public d’enseignement supérieur français qui délivre un enseignement technique et artistique destiné à former des professionnels des métiers de l’audiovisuel et du cinéma. À tout juste 20 ans, F. Lolli fera partie des cinq candidats admis à la session 2004 du département Réalisation.
À tout juste 20 ans, F. Lolli fera partie des cinq candidats admis à la session 2004 du département Réalisation.
Jolie revanche, non, pour quelqu’un qui s’est senti un peu jeune migrant ?
Mais revenons au film. Pour Franco Lelli, faire du cinéma n’a de sens que si cela exprime une émotion et celle-ci ne peut naître que de l’histoire personnelle et de la place singulière qu’y occupe le cinéaste. Il faut filmer ce qu’on connaît. Il se définit comme un cinéaste du réel : « je ne fais pas le cinéma que je veux, mais celui que je peux ».
Parlons maintenant des influences
Tuteur du jeune cinéaste lors de la réalisation de son film de fin d’études, Como todo el mundo , Abdellatif Kechiche exerce une influence décisive sur sa mise en scène qui repose sur un travail avec les acteurs, mené vers le « non-jeu » et l’oubli de la caméra, au plus près du réel. La méthode consiste en de longues répétitions et de multiples prises et donne au montage une place centrale dans le processus de réalisation. Mais avant tout, il y a Maurice Pialat (1925-2003), le cinéaste le plus cher à F. Lolli, celui dont les films ont laissé l’émotion la plus profonde, la plus durable, indélébile. Gente de bien fait surtout écho au premier film du cinéaste français, L’Enfance nue (1968) : François, un garçon de dix ans, révolté, en proie à l’abandon et à la solitude, observe attentivement ce qui se passe autour de lui et écoute de loin les décisions le concernant prises par les adultes.
Venons en maintenant à la méthode
Pour F. Lolli, le choix des acteurs est essentiel. Il ne s’agit pas seulement de trouver un acteur pour incarner un personnage déjà figé par le scénario, mais un acteur capable de prendre part, lors des répétitions et du tournage, à la fabrication même de son personnage. Le choix de F. Lolli pour le personnage d’Eric s’est fixé sur Brayan Santamaría dès le premier instant de leur rencontre. Outre ses traits physiques (il est Indien) et émotionnels, Brayan Santamaría répond immédiatement au premier critère, celui de la « vérité sociale ». Comme tous les acteurs de Gente de bien, il est issu du milieu social auquel appartient le personnage qu’il incarne. La mise en relation de personnes issues de milieux sociaux différents est un élément essentiel de la mise en la scène : « À un moment donné, je ne pouvais que reprendre le réel et le sublimer à l’écran » dit-il. Si, dans le scénario, Eric est exclu parce que pauvre, Brayan Santamaría, le comédien, l’était réellement sur le tournage, et pour la même raison. Dans la séquence de la piscine, par exemple, tournée pendant toute une journée, il a réellement été rejeté par le groupe d’enfants et a vécu ce qu’Eric subit dans le film. Comme Eric, Brayan Santamaría a été abandonné par son père qui ne l’a jamais reconnu, et Carlos Fernando Pérez, qui joue le rôle de Gabriel, son père, est lui-même le père de deux enfants qu’ils ne voient jamais.
À côté de ces acteurs non professionnels, seul le personnage de María Isabel est incarné par une actrice de métier, Alejandra Borrero, considérée comme la première actrice de la télévision colombienne.« Je savais qu’elle donnerait au film quelque chose que je ne pouvais pas obtenir sans elle ». Dans la mise en scène, cette intuition se traduit par la mise en relation de deux manières d’exister dans le monde : des gens ordinaires et une star jouent côte à côte pour composer un récit où le réel résiste souvent à la fiction.
Tout cela va donner au film son côté documentaire.
Maintenant, quelques conseils et quelques pistes pour la suite :
Pour le scénario
Combien existe-t-il de parties dans ce film ? Soyez attentifs aux relations entre les personnages (amour, haine, rejet...). Soyez également attentifs aux lieux et aux couleurs
Les personnages
Les adultes qui gravitent autour d’Eric sont tous liés par un point commun, celui de l’autorité parentale. Comment cela va-t-il évoluer ? Quel est le rôle de la chienne Lupe tout au long tout au long du film ?
La mise en scène, la façon de filmer
C’est là, le point le plus difficile, mais soyez attentifs aux mouvements de caméra (au poing, fixe) et à sa place. Que traduisent-ils ?
Observer la hauteur de la caméra : elle se situe à plusieurs reprises à hauteur d’enfant. Que traduit ce choix de mise en scène ?
Les lieux et les espaces ont une importance cruciale dans le film, car ils posent indirectement la question centrale du film : « suis-je à ma place ? »
Conclusion
Dès ses origines, le cinéma a réservé une place de choix à la figure de l’enfant. Peut-être parce que, comme le disait Ingmar Bergman, « faire des films, c’est redescendre par ses plus profondes racines jusque dans le monde de l’enfance ». Et on pense, bien sûr, en regardant ce film au Voleur de bicyclette (1948) de Vittorio De Sica l’enfant-témoin où un père, privé de son instrument de
travail, est poussé au vol. Comme dans Gente de bien, son fils parviendra à restaurer son identité paternelle et sa dignité.
La bande annonce
Les meilleures intentions ne sont pas toujours récompensées
Premier film du jeune cinéaste colombien Franco Lolli ayant fait ses armes à la Femis, "Gente de bién" s’attache à dévoiler comment les intentions les plus louables peuvent creuser un sentiment d’inégalité chez ceux qui les reçoivent. Le titre a par ailleurs une double connotation en espagnol : "Gente de bién" peut faire référence aux « gens biens », mais aussi aux personnes fortunées.
Le personnage de Maria Isabel épouse ces deux définitions. Cette mère de famille aisée emploie Gabriel pour rénover ses meubles et sait que l’artisan fait face à de grandes difficultés. Il est au bord de l’éviction de son logement alors qu’il doit reprendre la garde d’Eric, son fils de 10 ans, qu’il connait à peine. Maria Isabel les aide d’abord matériellement. Elle prête quelques pesos à Gabriel. Elle fait les placards de son propre fils pour y trouver des habits à la mode qui pourrait convenir à Eric. C’est sur le point de vue des gamins que s’attache Franco Lolli via le talentueux Brayan Santamaria qui interprète Eric, le protagoniste de ce drame social. Le jeune acteur, expressif et spontané, porte littéralement la puissance du film sur ses petites épaules.
Eric est réfractaire à peu près tout ce qui arrive dans sa vie en ce moment. Contraint de vivre chez son père qu’il ne connait pas, il est également obligé de l’accompagner au travail et de s’acclimater à un environnement avec lequel il n’est pas familier. Alors que Maria Isabel, désireuse de le protéger de sa condition d’enfant défavorisé, lui porte de l’attention, l’incite à jouer avec son fils et tente de l’intégrer dans sa famille, Eric se voit rapidement comme un intrus au sein de cette cellule familiale qui n’a rien à voir avec celle qu’il a connu. Les infantiles jalousies jaillissent et montent crescendo dès lors que Maria Isabel prend la décision de loger Eric lors des fêtes de Noël. Les incompréhensions ne sont, dès lors, plus seulement partagées par les enfants mais aussi par le reste de la famille, qui ne comprend pas l’inébranlable volonté de Maria Isabel à se mettre en quatre devant un Eric ingrat.
Le fait est qu’en tentant de combler l’absence de confort matériel d’Eric, Maria Isabel lui fait instantanément prendre conscience du fossé qui le sépare de ces gens qui l’accueille. Pour couronner le tout, la cruauté et l’effet de groupe propre aux enfants de cet âge achèvent de lui faire remarquer cette mise à l’écart même si un rare moment de grâce sur un cheval lui fera un instant oublier sa condition. Fanco Lolli, abordant sa réalisation à la manière d’un documentaire observant les relations au sein d’un petit groupe de personnes, parvient à retranscrire les frustrations des protagonistes avec douceur et minimalisme et montre avec brio que les meilleures intentions ne produisent pas forcément les meilleurs résultats.
Alexandre Romanazzi