Une soirée rétro au carrefour de l’histoire, du cinéma et de la musique....
La projection du "Mécano de la General" le samedi 5 mars à Calvisson sort des sentiers battus du cinéma d’aujourd’hui et nous permettra une étonnante rencontre entre histoire, cinéma, musique.
Histoire et Cinéma
Le thème du film est un réel fait historique, anecdotique en lui-même, mais dans le cadre dramatique d’une terrible guerre civile qui endeuille très vite le jeune état américain. A peine deux générations après l’accession à l’Indépendance, les tensions sont telles entre certains états du Sud et le pouvoir "central" du Nord, que les conflits d’intérêts économiques, les modes de vie, les idéologies divergentes tournent à l’affrontement intégral. La proclamation d’une présidence dissidente du Sud provoque la guerre civile. Le sujet a été très peu abordé par le cinéma. La littérature a plus facilement répercuté les déchirures provoquées par les événements.
Le film est tourné soixante ans après les faits : la cicatrice est fermée, mais on garde un souvenir vivace du drame qui génère encore deux cultures opposées, mais qui vivent désormais ensemble. On peut sourire après les pleurs. Tout le monde se retrouve dans le creuset. La musique va sceller cette épopée tragique.
Musique et Cinéma
Le cinéma encore "muet" mais pas silencieux vit ses dernières heures de gloire avant l’apparition du "parlant".
Comment sonorisait-on les films "muets" ? Si la question est simple, la réponse est multiple : de mille manières ! Car il y avait mille circonstances de projection, dans un pays aussi vaste et aux modes de vie aussi différents que celui du trappeur, du gentleman farmer, en passant par l’ouvrier des aciéries de Pittsburg, les classes moyennes aisées des grandes villes ou les riches hommes d’affaires et capitaines d’industrie...
La projection dans une humble baraque d’un village isolé et celle d’une salle moderne de Baltimore n’ont rien de commun : confort, matériel, fréquentation sociale ...
Les musiciens invités à égayer les projections grâce à leur talent ou modeste savoir-faire vont officier librement en utilisant les ressources locales : quels instruments, quel répertoire, que souhaite le public ? Ils sont placés face à un carrefour . Dans quelle direction vont-ils s’engager ?
Le cas le plus fréquent reste l’illustration sonore avec le ou les "musiciens" du cru. Des amateurs éclairés, ou semi-professionnels, habitués des cabarets, théâtres, saloons, jouant de "leur instrument" qui peut être le piano, le violon, les deux ensemble, l’accordéon, l’harmonica, la formation de chambre, le banjo ....aucune règle ne fixe les usages. Il en est de même pour le répertoire . On joue, on transpose les airs populaires, les airs très classiques de compositeurs...européens, connus ( et appréciés lors des grandes tournées internationales ).
Certains artistes à l’aise dans cette ambiance un peu agitée des salles de cinéma adoptent leur jeu, en cabotinant allègrement, parodiant les airs d’opéra ou les "tubes de Chopin, Mozart, Dvorak" ou autres danses slaves de Brahms !
Bien entendu, les derniers chanteurs à la mode sont engloutis dans la moulinette musicale, qui explose lorsque le "rag time" crèvera ...l’écran !
On est souvent loin des partitions originales, on brode...on improvise, car le jazz a fait aussi sa percée, et les musiciens noirs se sont libérés de leurs complexes.
Il ne saurait être question d’encadrer le genre musical "accompagnement de film muet". Les catalogues de partitions "passe-partout" ont fait fureur, commandées par les exploitants de salles de cinéma pour répondre aux besoins imposés par le développement du loisir cinéma.
Et aujourd’hui ?
Ce 5 mars sera donc une modeste reconstitution, avec les moyens du bord, qui tentera de restituer l’atmosphère de salle d’une foule qui se détend en fin de semaine, loin de tout esclavage télévisuel ou de partie de cartes dans les saloons enfumés.
Une film de Chaplin ( "Charlot au théâtre") sous-titrait : " le Spectacle est dans la salle". On pourrait ajouter : "ne tirez pas sur le pianiste" !
A bientôt.