Le thème du vampire doit sa célébrité au cinéma. Dès le XVIIIe siècle, Dom Calmet avait réuni tous les éléments du mythe (monstre buveur du sang des vivants, qui ne peut mourir que d’un pieu enfoncé dans le cœur), éléments repris, au xixe siècle, par Collin de Plancy dans son Dictionnaire infernal et par de nombreux écrivains russes (Gogol, Alexis Tolstoï), anglo-saxons (Polidori, Montaigue Rhode James, Poe, Lovecraft, Blackwood) ou français (de La Morte amoureuse de Théophile Gautier au curieux Vampire de Jean Mistler, 1944, en passant par La Guerre des vampires de Gustave Lerouge, La Maison des hommes vivants de Claude Farrère et La Jeune Vampire de Rosny aîné, pionnier avec Maurice Renard de la science-fiction française). Trois œuvres dominent le genre : Dracula de Bram Stoker (1897), inspiré par Vlad l’Empaleur et la comtesse Báthory ; Carmilla de Sheridan Le Fanu (1872) et Je suis une légende de Richard Matheson (1954). Ces ouvrages sont à l’origine de la plupart des films de vampires. C’est Dracula qui impose l’archétype du vampire. Sous forme de journaux intimes de différents personnages, Stoker nous raconte la rencontre de Jonathan Harker et du comte Dracula, la découverte par Harker de la nature exacte de celui qui l’accueille dans son château, un mort-vivant, la lutte du docteur Van Helsing contre le vampire et la défaite finale de Dracula, dont le corps tombe en poussière. L’originalité de Carmilla est de renouveler le thème de la malédiction familiale (ici, les Karlstein) et de nous présenter pour la première fois un personnage de femme-vampire. Aux confins de la science-fiction, le récit de Matheson nous décrit une terre d’où les vampires ont éliminé les humains et où il ne subsiste qu’une poignée d’hommes.La première adaptation de l’ouvrage de Stoker et le premier classique du genre est Nosferatu le Vampire (Nosferatu oder eine Symphonie des Grauens, 1922), de Murnau, qui se situe dans le cadre de l’expressionnisme allemand : le corbillard du début, le bateau chargé de rats apportant la peste dans le port, la mort du vampire sont des morceaux d’anthologie. Le Dracula de Tod Browning, tourné aux États-Unis en 1931, lui est inférieur. Bela Lugosi, successeur de Lon Chaney dans les rôles de monstre, y impose toutefois un personnage de séducteur en habit de soirée que reprennent les versions suivantes de Lambert Hillyer (La Fille de Dracula), de Robert Siodmak (Le Fils de Dracula), d’Erle Kenton (La Maison de Dracula), de Roy William Neill (Frankenstein rencontre le loup-garou). Le mythe connaît ensuite une éclipse — dans L’Île des morts (1945), Robson refuse de l’exploiter —, pour renaître en couleurs dans une version anglaise due à Terence Fisher, Le Cauchemar de Dracula (Horror of Dracula, 1958) que suivent Les Maîtresses de Dracula (The Brides of Dracula, 1960). Christopher Lee accentue le côté érotique de Dracula et, trouvant toujours pour adversaire Peter Cushing, reparaît dans une douzaine de films.<imgw.universalis.fr/data/medias/moy...> Photographie Nosferatu le vampire, F. W. Murnau Nosferatu le vampire foudroyé par la la lumière au lever du jour. C’est Max Schreck qui interprète le rôle-titre du film de F. W. Murnau (1921-1922). Crédits : Hulton Getty Carmilla a connu de moins nombreuses adaptations : Vampyr de Dreyer (1932), assez éloigné de l’original (l’horreur n’y est que suggérée, mais l’admirable photographie de Mathé crée un climat de poésie envoûtant) ; une version française médiocre, Et mourir de plaisir de Vadim (1962) ; La Crypte du vampire de Mastrocinque (1962) ; enfin Vampire Lovers de Roy Ward Baker (1970).L’œuvre de Matheson, Je suis une légende, a eu encore moins de bonheur avec : The Last Man on the Earth (1964) de Salkow et Le Survivant (The Omega Man, 1971) de Sagal.On trouve enfin des éléments empruntés à Edgar Poe dans Le Vampire et le sang des vierges (1967) de l’Allemand Reinl. Deux chefs-d’œuvre ne se rattachent pas à ces adaptations : d’une part, Le Masque du démon (La Maschera del demonio, 1960), film de Mario Bava, digne héritier du Blasetti de La Couronne de fer et auteur également de Trois Visages de la peur (1963) et d’Hercule contre les vampires (Ercole al centro della Terra, 1962) ; d’autre part, la parodie de Polanski, Le Bal des vampires (Vampire Killers, 1967), qui est moins respectueuse du genre que les célèbres dessins de Chas Addams mais n’en est pas moins le seul film qui se termine par la victoire des vampires. Depuis, une tentative de renouvellement par l’érotisme a inspiré Le Viol du vampire (1968) ou, plus ambitieux, le film allemand Jonathan (1970) de Hans Geissendorfer.Par la suite, le genre a paru s’essouffler, reculant devant le succès des films de possession (L’Exorciste de William Friedkin, 1973), ou bien oscillant entre la parodie et le remake pseudo-romantique (Nosferatu de Werner Herzog, 1979). Ce sommeil est peut-être trompeur. Le succès remporté par les romans d’Anne Rice (Entretien avec un vampire, 1976 ; Lestat le vampire, 1985) et le flamboyant Dracula de F. F. Coppola (1992) en témoignent.
Le vampire au Cinéma
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