"L’avenir de l’école ne s’écrit pas à la craie". Luc Chatel

, par  Mick Miel , popularité : 5%

Si le plan numérique de Luc Chatel est une avancée intéressante, il est aussi porteur de lacunes voire d’incohérence.

A la différence du rapport Fourgous qui fixait comme objectif une évolution des méthodes pédagogiques en s’appuyant sur les TICE, le plan numérique ne comporte pas de volet pédagogique. L’expression "changer de braquet" supposerait pourtant un tel changement car l’introduction des outils informatique, en soi, n’implique pas une modification des pratiques pédagogiques. Or c’est bien cette dernière qui peut rendre l’école plus efficace. On est donc dans la perspective d’une introduction plutôt secondaire des TICE dans un cadre pédagogique qui s’affranchit très bien de leur usage ou ne les utilise que pour la transmission frontale. A titre d’exemple, le ministre a paru très surpris et n’a pas vraiment répondu à une question du Café sur la suppression des obstacles au web 2 dans les établissements alors même qu’il veut faire évoluer le B2i vers une formation aux réseaux sociaux. Autre exemple : le ministre n’a pas précisé les conditions de rémunération des professeurs référents sur qui reposera pourtant la formation des professeurs du secondaire et l’animation TICE dans les établissements.

Une autre question du Café a étonné Luc Chatel. Celle des communautés virtuelles d’enseignants et de leur intégration dans le plan. Pour le ministre il appartiendra aux professeurs référents d’entretenir ces relations. Il nous semble que le succès de toute réforme en ce domaine passe par une coopération avec ces mouvements qui ne sont pas aujourd’hui des groupuscules de pionniers mais de véritables lieux de formation et de production de ressources. Le ministre souhaite apparemment s’appuyer sur le libre mais en méconnaissant les communautés de mutualisation. Cela confirme que c’est le modèle économique qui l’intéresse. Or libre, mutualiste et gratuit ne sont pas synonymes. Le plan Chatel a d’abord besoin du dynamisme pédagogique de ces mouvements.

Mais c’est aussi la question de la production des ressources pédagogiques qui semble assez mal posée dans le plan Chatel. Il est paradoxal de voir l’Etat ouvrir une plate forme de distribution de logiciels. Est-ce son rôle ? Connaît-on un autre pays où un magasin d’Etat aura le monopole de la distribution de logiciels aux établissements scolaires ? Est-il réellement souhaitable que tout outil pédagogique numérique doive être accepté par l’Etat ? Il y a des pays où les manuels scolaires sont un monopole public. Ce ne sont pas des démocraties. Pourquoi introduire ce contrôle étatique pour le numérique éducatif ?

La question s’impose d’autant plus que le ministre ignore les communautés d’enseignants d’un coté et qu’il souhaite une autre "approche économique" pour la production de logiciels, c’est à dire qu’il semble se méfier des éditeurs de l’autre. Si l’on écarte les uns et les autres il ne reste plus que les productions étatiques et celles dont l’Etat s’empare. Finalement n’est-il pas en train de faire une crise d’étatisme aigue ?

Les pays qui ont réussi l’intégration des TICE, l’Angleterre par exemple, s’y sont pris autrement. Ils ont reconnu le droit aux enseignants de choisir librement leurs outils numériques comme ils choisissent leur manuel papier. Ce droit là pourrait être remis en question aussi bien par la future plate forme de logiciels que par les choix de manuel numérique qui peuvent être opérés sur des ENT. Or on ne réussira pas la révolution numérique en retirant aux enseignants leur droit de choisir leurs outils. Ils leur ont donné des moyens importants ce qui a considérablement diversifié l’offre. Ils ont considéré que l’édition privée avait sa place dans la production de contenus ne serait ce que parce certains développements ambitieux nécessitent des moyens et des auteurs. Ils n’ont pas essayé de la contrôler ou de la valider laissant aux professionnels de terrain le soin de faire le ménage. L’Etat a pris toute sa place : celle des recherches (en Angleterre, le Becta) et de la réglementation, par exemple en accordant à la culture numérique dans les programmes sa vraie place. Ils ont confié la distribution et l’information à une association, en Angleterre le Besa. Ils ont ainsi développé ce qu’est la vraie économie du 21ème siècle, celle qui associe des partenaires de nature différente.

Sources Café Pédagogique

Le rapport officiel

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