"La Fabrique", une maison de production de films d’animation dans le Gard

, par  Mick Miel , popularité : 21%

Article du journal "L’humanité", édition du 4 juin 1999, présentant "La Fabrique"

La Fabrique : du cinéma d’auteur

Le site de la Fabrique

Installée dans un village du Gard, La Fabrique est l’une des principales maisons de production de cinéma d’animation. Une aventure originale entreprise voilà vingt ans.

Le sous-sol de Saint-Laurent-le-Minier, comme son nom l’indique, recelait du plomb, du zinc, de l’étain. Aujourd’hui, les gisements, ou ce qu’il en reste, ne sont plus exploités et plus personne ne travaille à extraire les minerais. Le petit village cévenol, aux confins du Garjd et de l’Hérault, possédait aussi une filature à soie, une moulinerie. Une activité également disparue. Toutefois, la grande bâtisse ocre, en bordure du cours d’eau Vis, a échappé à l’abandon et abrite un métier qui n’a rien de traditionnel : on produit ici du cinéma d’animation. Et c’est même en ce lieu qu’a été conçu en grande partie le tout dernier dessin animé de Jean-François Laguionie, le Château des singes.

Tout commença en 1979. Jean-François Laguionie, réalisateur de courts métrages, installé dans les Cévennes, achète alors l’ancienne filature à soie de Saint-Laurent-le-Minier, depuis longtemps désaffectée. Le réalisateur a besoin d’un vaste local pour un projet ambitieux et rare : un long métrage en dessin animé. Dans ce lieu baptisé la Fabrique, Jean-François Laguionie et un groupe d’amis vont travailler pendant plusieurs années à l’élaboration de Gwen, le livre des sables, qui sortira en 1984. Mal distribué, le film est un échec commercial.

L’aventure de la Fabrique ne s’arrête pas pour autant. Jean-François Laguionie et son équipe décident de rester sur place. Vingt ans après, des dizaines de courts métrages et de séries télévisées ont vu le jour ici. Dans le registre du cinéma d’animation, la Fabrique et Folimages, à Valence, sont aujourd’hui en France les deux principales maisons de production. La Fabrique emploie, selon les stades de réalisation, dix à soixante personnes, qui ont toutes le statut d’intermittents du spectacle. Malgré l’utilisation du montage virtuel sur écran, ou le traitement par ordinateur des couleurs, malgré le recours à des techniques de plus en plus pointues, on reste très loin des usines Disney. Surtout peut-être dans l’état d’esprit. La Fabrique, par exemple, se refuse à abuser des effets spéciaux, qui ne sont pas ici une fin en soi.

À Saint-Laurent-le-Minier, on conçoit notamment les lay-out (" squelettes " des films) ainsi que les story-boards : une tâche très créative qui consiste, crayon à la main, à prévoir tout ce que contiendra chaque image. En revanche, pour le Château des singes (1300 plans et 300 couleurs), le travail d’animation proprement dit de l’image n’a pas eu lieu ici, mais en Hongrie, selon les indications de la Fabrique : comment les personnages vont évoluer, se déplacer, parler... Le mouvement des lèvres est soigneusement défini en fonction des sons prononcés. À la Fabrique, une personne a même pour fonction, à partir de la bande originale, d’isoler chaque son et d’adapter l’image correspondante.

Sur un mur est accrochée une carte du monde balafrée d’un trait noir : c’est l’itinéraire précis de Philéas Fogg. Car la Fabrique a maintenant choisi d’adapter les romans de Jules Verne, en commençant par le Tour du monde en 80 jours. Henri Heidsick, réalisateur, a d’abord entrepris pour cela un long travail de documentation pour reconstituer l’ambiance de 1872 et la réalité historique : comment étaient les costumes ? À quoi ressemblait à l’époque le port de Hong Kong ? Les premiers buildings new-yorkais étaient-ils déjà sortis de terre ? Cette série à partir de l’ouvre de Jules Verne constitue désormais le principal travail de La Fabrique. D’autre part, Jean-François Laguionie prépare aussi un nouveau long métrage : Kid le pirate. La production est plutôt orientée vers un public d’enfants. En France, il n’existe guère de culture du dessin animé pour adultes. Le cinéma d’animation, à l’instar de la bande dessinée, va-t-il s’ouvrir à d’autres tranches d’âge ?

B. V.

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