Nous étions tous les deux avec nos motos. Sur la mienne j’avais développé légèrement le moteur pour qu’il soit un peu plus puissant. Nous faisions une balade. J’étais le premier, en tête. Personnellement je prenais un énorme plaisir à chaque fois que je faisais ce chemin de terre.
Arrivé en milieu de chemin, là où il commençait à être raide, nous croisâmes des chasseurs avec leur fourgonnette en travers du chemin. J’étais fou de rage quand je les vis car aujourd’hui ce n’était pas un jour de chasse.
L’un d’eux vint vers nous et nous dit que nous devions faire demi tour. Mon camarade qui était avec moi fit déraper la moto sur le coté pour le faire. Mais moi je mis le contact, je donnai un fort coup de kick, puis je commençai à partir en direction de la fourgonnette. Au milieu du deuxième rapport, je donnai un bon coup d’embrayage et la moto se leva brusquement. Je montai sur la fourgonnette,cassais le pare-brise et tordit toute la tôle, me raconta mon coéquipier par la suite.
A cette époque là, je n’avais que 15 ans et je savais parfaitement maîtriser ma moto. Mon copain, Damien, en entendant mon moteur gueuler, le bruit du verre qui casse et la tôle qui se tord, se retourna brusquement pour voir ce que j’avais fait, puis il repartit en ma direction en contournant la fourgonnette cassée. Le chemin était bien trop difficile d’accès et nos motos étaient bien trop rapides pour que les chasseurs nous rattrapent. Nous continuâmes le chemin qui débouchait en perpendiculaire à une route, le long d’un petit ruisseau.
Quand je vis la fin du chemin, j’étais content d’avoir bien eu les chasseurs, mais je vis une voiture bleue marine avec un gyrophare allumé en travers du chemin. C’est à ce moment là que je compris que les chasseurs avaient appelé la police pour nous attraper. J’étais mécontent, de tout çà, à cause d’un chasseur qui ne voulait pas nous laisser passer, je redonnai un coup d’embrayage puis la moto se leva d’un seul coup et je traversai le fossé dans lequel coulait environ trente centimètre d’eau. Le policier voulut m’attraper mais il n’y arriva pas car je l’avais aspergé d’eau et de boue. Damien fit de même mais en allant moins vite. Je vis, en me retournant, que Damien était mort de rire de ce que j’avais fait au policier. Au retour de notre village, nous avons pris le temps de faire quelques chemins pour retarder la recherche de la police.
Un copain tagueur, François, m’appela pour m’avertir qu’il y avait des policiers à toutes les entrées du village mais il ne savait pas que c’était pour nous. Après lui avoir annoncé que c’était par rapport à nous, il me dit de venir chez lui pour repeindre les motos afin de passer inaperçu. Nous allâmes chez lui et il repeignit nos motos. La mienne était bleu marine avec le kit déco d’origine. Il me l’avait repeinte en une magnifique peinture noir brillant avec des autocollants de sponsor un peu partout. La moto de Damien était bleu marine aussi. Il lui avait repeint en orange mat. Avant de repartir au village, François nous avertit que le policier à l’entrée où nous allions passer, était habillé en civil.
Arrivé à l’entrée, comme prévenu, le policier en civil nous arrêta et constata que ce n’était pas nos motos. Sur son visage, je voyais qu’il doutait. Il nous demanda où nous étions à l’heure où c’est passé le drame avec le chasseur. Nous dîmes que nous étions en train de pécher à l’opposé du village.
Il ne nous croyait pas. Mais derrière moi, je reconnus la voix de François que m’appelait et il faisait semblant de me dire bonjour comme s’il me voyait pour la première fois de la journée. Il me dit qu’il nous a aperçut avec nos motos en train de pêcher en bord de rivière, vers quatorze heures, heure à laquelle j’avais rencontré les chasseurs.
Grâce à l’intervention de François, le policier nous déclara innocent.

Arrivé chez moi, je reçus une convocation à la gendarmerie le lendemain à la première heure, avec le chasseur victime, pour identifier le bruit ainsi que le pot. Miraculeusement, juste après avoir raccroché le téléphone, un camion de livraison me posa un colis devant ma porte. C’étaient les pièces de compétition pour ma moto que j’avais commandées. Je m’empressais de monter le tout dans la soirée et j’aboutis à une heure du matin. La moto avait à présent un nouveau pot, un nouveau bruit, et elle était plus puissante que jamais.
Le lendemain j’allais à la gendarmerie et j’aperçus comme prévu le chasseur. Il ne pouvait pas me reconnaître car j’avais le casque que j’avais repeint en une autre couleur. J’avais une raison de plus de prouver mon innocence car la moto était en rodage donc elle ne pouvait pas être poussée à fond comme le prétendait le chasseur.
Damien lui aussi était convoqué. Il avait poli son pot et changé le silencieux pour obtenir un autre bruit. Le chasseur reconnut que ça ne pouvait pas être nous.
Durant la convocation, j’essayais de retenir ma colère car il n’avait pas le droit de chasser mais comment le prouver qu’il chassait car je ne devais pas être sur les lieux.
Voilà pour un chasseur qui n’avait pas le droit, j’en étais arrivé là, heureusement sans aucune amende. Car je n’aime pas les gens qui m’empêchent de pratiquer ma passion alors qu’ils n’ont rien à faire ici.
Aujourd’hui j’ai 78 ans et c’est à mes petits enfants qui font leur début à moto que je leur raconte cette histoire.
